Je réactive l’huile hibernante avec une térébenthine sèche et nerveuse. Je secoue la carcasse à peau d'ours. Respire l'air du sapin baumier et de l'épicéa avec modération, sachant qu'une hallucination n'est jamais bonne, quand on dort. C'est la vieille sorcière qui revient avec ses rengaines diaboliques, auxquelles on a fini par ne plus faire attention, même si on sait qu'elle ne meurt jamais. Quand bien même les sexologues.
Notre incarnation est le médium indépassable. On n'en sort pas. Il n'y a pas de pur esprit. Ou en location du corps véhicule. C'est tout à fait vrai que les humains ne créent rien. Ce mot de création employé à tort et à travers me sort par les oreilles... Créativité, c'est encore pire: c'est le mot de la bourgeoisie de l'art... Les promoteurs de la créativité, non contents d'imaginer détrôner les véritables usurpateurs que sont les artistes, ne se rendent pas compte qu'ils se privent, dans le même mouvement d'inconscience, du seul intérêt de l'art... Cette usurpation, effectivement, est son thème principal. Je suis tellement frappé par cette inconscience tous azimuts, que je suis devenu sourd et aveugle et souhaite en tirer les conséquences artistiques nécessaires et possibles. A commencer par me retirer de son discours, loin, méta-loin.
Parfois, je préférerais me saouler à mort.
Mais ce ne serait pas très intéressant.
Hasards et banquets philosophiques, c'est plus vivant.
Faits alternatifs, comme on dit de nos jours, c'est une bonne formule finalement, pour rester en vie.
Création et destruction. Plus on se fait haïr nécessairement (il faut vraiment qu'il y ait une nécessité), plus on aime sans raison. Mystère.
Ainsi,
Edward Munch, je le constate aujourd'hui, après avoir réalisé quelques beaux portraits léchés dans sa jeunesse (mais, déjà, on sent l'abandon des détails extérieurs), plus il peignait, plus il
était possédé de cette nécessité, plus il sentait que cela ne valait pas la peine, que cela lui échappait parce que se démontrer n'était pas vrai et que seules des traces, des indices
fourniraient ce qu'il recherchait, vivant, avant de redevenir un peu classique, à la fin de sa vie,
dans une tentative émouvante de se ressaisir en une synthèse personnelle, peut-être conscient d'un échec ou au contraire, se trouvant à l'apogée d'un apprentissage?
Est-ce, concernant l'image, ce que Georges Bataille a exprimé verbalement? « La poésie n’est pas une connaissance de soi-même, encore moins l’expérience d’un lointain possible (de ce qui
auparavant n’était pas) mais la simple évocation par les mots de possibilités inaccessibles. »
Dans le temps où tout veut être rendu possible et où la poésie ne doit plus être nécessairement recherchée, ces possibilités inaccessibles, qui nous gardaient humains et sont désormais réalisées
comme de vulgaires possibilités, nous rendent de plus en plus malheureux.
Il y a des pays, des atmosphères, des compagnies propices à la réalisation d'un travail un peu décalé, simplement parce qu'ils aiment encore cette possibilité qui, de toute façon, les trouble aussi. Ce ne sont pas les pays, les atmosphères ni les amis les plus faciles et confortables. Les endroits les plus confortables sont toujours dans la négation de ce trouble originel. Cette négation menace habituellement le Monde.
11.10.2017
Tout avait commencé bien avant la virée en voiture à quatre. De ce point... Revoir en rêve (endormi) un tableau déjà vu dans un rêve d'enfance, mais qui n'existe pas en réalité. Revivre des
aventures commencées dans plusieurs rêves anciens, avec de nouveaux acteurs - amis, copines, hommes ou femmes inconnus parfois, anciens camarades, certains morts, d'autres plus jamais revus mais
revivants à présent, quelques-uns déformés aussi, comme cette amie boursouflée ou ce garçon hilare - ce n'est pas sa bouche habituelle! Tout le monde sort de la voiture et maintenant l'aventure
commence pour moi: je suis abandonné, les autres agissent en-dehors de ma volonté, ma conscience les rattrape et il y a des parachutes à main (un sac plastique avec deux anses!) pour traverser un
gros fleuve agité... des tourbillons monstrueux qui me provoquent la boule au ventre, cela fait mal, et de la glace soudain, et ils s'élancent, un à un, ffouiii, ffouiii, ffouiii... Vous allez
où? - de l'autre côté et après on continue à pied... déjà plus personne... Je suis seul de nouveau... l'angoisse...Reste un parachute à mains, - je cours et je m'envole. N'importe comment! ça
part vite très haut! Il n'y a pas de ciel comme d'habitude, pas de haut, pas d'éclairage stellaire dans ce rêve, mais je vole à nouveau... cela ne m'était plus arrivé depuis les rêves d'enfance!
Je dirige assez mal cependant, moins bien qu'autrefois... Mais la sensation est la même: vertige et attraction du bas, douleur au ventre, je frotte une montagne... il y a une meute de gens sur
les pentes qui lancent des palets sans raison, j'en sens un me toucher, une voix qui crie de faire attention à moi... je suis déjà loin... je me repose sur le sol d'une ville où de vieilles
connaissances menaçantes comme les terreurs d'école primaire me dévalisent... je proteste, ruse en changeant de conversation... Je demande: "Il est où le Rhône?" - "Là-bas, plus-haut, derrière la
ville... J'y vais, je ne vois plus rien, un tableau intérieur, dans lequel je me souviens d'anciens rêves similaires, les rêves dans le rêve, précédant l'angoisse somatique, puis il devient
visuellement extérieur... un homme en sort, l'index pointé vers moi, vers l'oeil, je l'évite, il avance et me vise, toujours avec son index, et m'atteint ailleurs, je sens l'index dans l'épaule,
le ventre, le dos, il me fait mal, je le saisis, il est rigide comme de la pierre, impliable, je renverse l'homme et lui écrase la tête par terre sous le poids de mon corps - tout se trouble et
je me souviens alors du début de ce rêve qui avait commencé dans une chambre... une soeur... Les images s'éloignent déjà... Toutes les formes se déforment, l'angoisse s'intensifie, les
palpitations augmentent, Bam! Je me réveille et, à deux heures, j'entreprends de noter cela et de repeindre un tableau ... "